Un gros dortoir – reposoir de Grands Cormorans marocains près d’Imatlane du Sahel entre Dakhla et Boujdour : recensement de près de 240 oiseaux le 2 octobre et de 180 le lendemain, sur environ 200 m de côte (Abdeljebbar Qninba, Facebook)
La situation du Grand Cormoran dans le Sahara Atlantique Marocain a été détaillée dans Bergier et al. 2013 et 2017.
- Bergier, P. ; Thévenot, M. ; Qninba, A. ; Samlali, M.A. & El Balla, T. 2013. Les Grands Cormorans Phalacrocorax carbo maroccanus / lucidus dans le Sahara Atlantique marocain. Go-South Bulletin 10 : 208-220.
- Bergier, P. ; Thévenot, M. & Qninba, A. 2017. Oiseaux du Sahara Atlantique Marocain. SEOF, Paris, 359 pp.
Rappellons que la systématique des Grands Cormorans marocains est discutée : nous reprenons ci-dessous quelques passages de notre ouvrage ‘Oiseaux du Sahara Atlantique Marocain’
L’adulte de la forme endémique marocaine maroccanus est caractérisé par le blanc pur de la gorge, alors que l’avant du cou et le haut de la poitrine sont blancs avec plus oumoins de noir au bout des plumes (HARTERT 1906). Les adultes lucidus sont semblables à maroccanus (gorge et avant du cou blancs), mais les parties blanches s’étendent plus bas, jusque sur la poitrine et parfois même sur tout le ventre. Un morphe noir de lucidus est aussi connu, les oiseaux ressemblant alors aux sinensis européens (DEL HOYO et al. 1992).
On considère généralement que c’est la forme maroccanus qui niche sur les falaises maritimes atlantiques du Maroc, au nord jusqu’à l’archipel d’Essaouira (31°30) (NAUROIS 1961). La population marocaine de Ph. c. maroccanus a été estimé à 300-400 couples nicheurs (CHKL), dont une grande majorité localisée dans le Sahara Atlantique. Si le taxon maroccanus s’avérait valide, son faible effectif justifierait son classement dans la catégorie ‘Vulnérable’ en application des critères de l’UICN (UICN 2012).
Lucidus se reproduit couramment en Mauritanie (au Banc d’Arguin en particulier – ISENMANN et al. 2010) et les oiseaux des limites sud du Sahara Atlantique, par exemple ceux de la Baie de l’Étoile, sont considérés comme appartenant à cette forme (JARRY et al. 2010). Plusieurs auteurs ont aussi rapporté à lucidus certains Grands Cormorans nicheurs de la côte du Sahara Atlantique marocain (p. ex. PIENKOWSKI 1975, THÉVENOT et al. 1988) et même plus au nord jusqu’à l’embouchure de l’Oued Massa (CHKL).
La séparation des formes lucidus et maroccanus pose toutefois problème : les populations de Grands Cormorans du Maroc, et du Sahara Atlantique en particulier, présentent plus d’oiseaux à phénotype lucidus que d’oiseaux à phénotype maroccanus. Certains oiseaux présentent un plumage intermédiaire, ce qui fait penser à l’existence soit d’un grand polymorphisme des patrons de coloration au sein de la sous-espèce maroccanus (comme c’est aussi le cas pour lucidus), soit d’un cline nord-sud allant de maroccanus (blanc pur de la gorge au haut du cou) à lucidus (blanc pur de la gorge à la poitrine, voire au ventre), soit à la présence en sympatrie de lucidus et de maroccanus avec une éventuelle introgression entre les deux formes au niveau d’une zone de contact assez étendue (QNINBA et al. 2006).
La majorité des auteurs considère lucidus et maroccanus comme deux sous-espèces du Grand Cormoran Phalacrocorax carbo (p. ex. CRAMP & SIMMONS 1977, BROWN et al. 1982, DEL HOYO et al. 1992, SNOW & PERRINS 1998, CLEMENTS 2000, DICKINSON 2003, CROCHET & JOYNT 2011, BERGIER et al. 2013, CLEMENTS et al. 2016). Quelques autres (p. ex. HAZEVOET 1995, ISENMANN et al. 2010) élèvent lucidus au rang d’espèce, le Cormoran à poitrine blanche Phalacrocorax lucidus, tout en maintenant maroccanus comme sous espèce de Phalacrocorax carbo.